C'était l'époque où Paris était la capitale du monde. Sur les trottoirs de Montmartre et de Montparnasse, entre le Bateau-Lavoir et Closerie des Lilas, allaient les sublimes trublions qui inventaient l'Art moderne et le langage du siècle : Jarry, son hibou et ses revolvers, Picasso sympathisant anarchiste, Apollinaire l'érotomane, Modigliani et ses femmes. Max Jacob et ses hommes, Arago le flambeur ? Soutine le solitaire, Man Ray, Braque, Matisse, Breton et les autres... Ils venaient de tous les pays. Ils étaient peintres, poètes, sculpteurs, musiciens. Fauves, cubistes, surréalistes, fêtards, amoureux - libres. Ils portaient des cravates en papier, des caleçons en guise de chemises... Plus tard, ils échangèrent leurs sandales trouvées contre des lavandières et des montres en or, sans jamais abandonner les exigences de leur jeunesse. Ainsi vont les artistes. Pendant trois décennies, ils menèrent le bal des plumes et des pinceaux. Ils y convièrent des brocanteurs devenus marchands, des couturiers-mécènes, une poignée de milliardaires, des filles de rues peintes comme des princesses. Leurs vies sont flamboyantes comme leurs oeuvres. Et leurs oeuvres, belles comme la vie. Ils demeurent à jamais les personnages de leurs propres légendes. Ils furent et restent les héros du temps des Bohèmes : un monde magnifique dont les reflets éclairent encore le siècle tournant la page.